Lectures - Charlie Hebdo

Depuis le 02 septembre 2020 a lieu le procès des attentats de janvier 2015. Ces attentats, entrés dans la (sinistre) mémoire collective, ont commencé par celui commis par les frères Kouachi et qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, puis ce fut le lendemain l'assassinat de la policière municipale et enfin l'attentat contre le magasin Hyper Cacher, ces deux derniers commis par Ahmed Coulibaly, un proche des deux 1ers (en très court). Cette horreur sans nom qui avait traumatisé la France entière serait hélas dépassée la même année par les attentats de novembre. 2015, année maudite.

Le procès ravive un peu cette douleur collective, et je n'ose imaginer ce qu'elle réveille chez les victimes directes et leurs familles. 

C'était il y a 5 ans, et avec un peu de recul, j'ai eu envie de lire 3 livres de survivants, celui de la veuve Wolinski, celui de Lançon et celui de Riss.

Maryse Wolinski est la muse du vieux dessinateur mythique de Charlie Hebdo. Il est assez paradoxal que cet érotomane aux dessins coquins ait été en fait marié pendant des dizaines d'année avec la même femme, tant on l'imagine tel un Gainsbourg papillonnant et libertin. Maryse a fait un livre qui raconte comment elle a vécu la mort de son mari, un récit bref et poignant quoiqu'un peu détaché. Ecrit un an après le drame, "Chérie, je vais à Charlie" se lit vite, mais ne laisse pas un souvenir impérissable. 

Philippe Lançon est un survivant. Journaliste et chroniqueur à Libération et Charlie Hebdo, il a reçu 3 balles qui lui ont touché le bras, la main, et emporté une partie de sa machoire. Il fait dans son livre Le Lambeau le récit de l'attentat et celui de sa reconstruction, physique et mentale. Son livre est fouillé, précis, très émouvant. Lançon est lui aussi détaché, il dit ne pas avoir souffert sur le coup et par moment on a presque l'impression qu'il raconte une histoire dont il a été spectateur, et non acteur principal. L'identification néanmoins se fait aisément. Lecture difficile, mais un très beau livre.

J'ai fini par le livre de Riss, alias Laurent Sourisseau. Blessé à l'épaule droite lors de l'attentat (il a eu le bon réflexe de plonger par terre dès l'apparition des deux terroristes), il a écrit un livre plein de fureur intitulé Une minute quarante neuf secondes. Le livre datant de 2019 j'en attendais comme les deux précédemment cités du détachement et du recul. Pas ici. Riss est visiblement encore plein de rage contre ceux qui ont tué "ses copains", et encore plus envers ceux qui ont épousé la cause des bourreaux. Il n'a pas vraiment fait le deuil et n'a pas l'air de vouloir le faire. Son récit reste néanmoins émouvant, notamment les petits chapitres qu'il consacre à chacun des décédés qu'il a cotoyés.

Il y a eu je pense d'autres livres écrits par des survivants, mais ces trois là donnent une première vue d'ensemble du traumatisme.